Une bonne intention peut paver une route de plastique vers l'enfer.
Connaissez-vous l’histoire de l’usage unique ? Non ? Cette pratique devenue universelle au 21ème siècle n’est pourtant pas bien vieille. Elle nous vient de la croisée des chemins entre avancées scientifiques, techniques, besoins d’hygiène et phénomène de société.
" Le virus est constitué par un parasite microscopique qu'on multiplie aisément par la culture, en dehors du corps des animaux que le mal peut frapper " Comptes rendus de l'Académie des Sciences, (1880) de Louis Pasteur
En 1864, Louis Pasteur confirme que les micro-organismes sont à l’origine des maladies grâce à une expérience sur la fermentation. Dès lors, les hygiénistes pointent du doigt une pratique très répandues dans les trains, les cours de récréation et autres lieux publiques : l’utilisation d’une louche publique pour boire dans des bacs d’eau eux aussi publiques. En 1907, le docteur Crumbine du Kansas accompagne un de ses patients tuberculeux dans la rue et l’observe boire dans un de ces objets publics. Quelques secondes plus tard, il constate qu’une jeune fille utilise la même louche pour boire dans le même bac. Consterné par ce comportement à risque, il milite désormais fermement contre ces ustensiles publics. Cinq ans plus tard, les louches sont interdites dans la moitié des états d’Amérique.
C’est dans les trains que se développe la première alternative à cette pratique délétère. Dixie Cup, jeune entreprise bostonienne, propose en 1907 une fontaine à eau réfrigérée équipée d’un distributeur de gobelets en papier imprégné de cire. Cette pratique se répand comme une traînée de poudre le long de tous les chemins de fer, puis au-delà avec l’interdiction générale des louches publiques. La loi autorise cependant les contenants proprement nettoyés, mais l’homme a une tendance naturelle à aller vers la facilité. Et devant des pratiques de nettoyage rébarbatives, le choix est vite fait ! Vous vous imaginez faire la vaisselle dans le train ? Rapidement, les fabricants de gobelets se rendent compte que leurs clients voient d’autres avantages à ces gobelets : plus besoin de laver, de sécher, ou d’empiler… Mais avant tout, avec l’usage unique, ce sont des ventes qui explosent !
Avec l’essor de la pétrochimie dans les années 60, le papier fut remplacé par des polymères fabriqués à partir de résidus de l’industrie pétrolière. Si le gobelet en plastique est l’un des chefs de file de l’usage unique, un nombreux cortège d’emballages et autres objets destinés à l’hygiène lui fait honneur : cotons tiges, pailles, emballages alimentaires, sacs…. De nos jours, les connaissances en matériaux ont tellement démocratisé cet usage qu’il est désormais aussi présent dans nos maisons et dans nos bureaux que dans les océans et dans les forêts. Conçu au début du siècle pour sauver des vies, l’usage unique s’est mué en instrument de mort, contaminant tous les recoins de la planète.
Et maintenant, si on nettoyait la louche ?
écrit par Mathieu Bourhis, CTO
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